Cinémathèque française - "Henri Plaat"
Prochaine projection : "Henri Plaat"
Cinémathèque française
51 rue de Bercy 75012 Paris
Vendredi 25 Mai 2012 - 19h30 -
Salle Georges Franju
CINÉMA D'AVANT-GARDE / CONTRE-CULTURE GÉNÉRALE
Cycle : L'intelligence formelle
Portrait d'Henri Plaat 2008 - Amsterdam.
Présentation du cycle : L'intelligence formelle
L’intelligence formelle. Artist by Artist , actualités du Principe d’Apelle
« Protogène habitait Rhodes ; Apelle, ayant débarqué dans cette ville, fut avide de
connaître les oeuvres d’un homme qui ne lui était connu que de réputation. Incontinent, il
se rendit à son atelier ; Protogène était absent, mais une planche de grande dimension
était préparée sur un chevalet, et il n’y avait là d’autre gardien qu’une vieille femme.
Celle-ci répondit que Protogène était sorti et, pour le transmettre, demanda le nom du
visiteur. “Le voici”, dit Apelle et, saisissant un pinceau, il traça avec de la couleur en
travers de la planche une ligne d’une extrême finesse. Protogène de retour, la vieille lui
raconta ce qui s’était passé. L’artiste, dit-on, ayant contemplé la délicatesse du trait
déclara que c’était Apelle qui avait dû venir ; nul autre n’était capable d’un travail aussi
parfait. Lui-même alors, avec une autre couleur, traça un filet plus mince encore et sortit
en recommandant à la vieille, si l’étranger revenait, de le lui faire voir et de lui dire :
“voilà celui que vous demandez”. C’est ce qui arriva, Apelle revint et, rougissant d’être
surpassé, avec une troisième couleur, il refendit encore les deux lignes par une autre qui
ne laissait place à rien de plus fin. Protogène, s’avouant vaincu, vola au port à la
recherche de son hôte. Il voulut que l’on conservât telle quelle pour la postérité cette
planche destinée à faire l’admiration de tous, et surtout des artistes (sed artificum).
J’entends dire qu’elle a péri dans le premier incendie qui consuma le palais des Césars
sur le Palatin. J’ai vu jadis cette planche ; elle ne contenait rien sur sa vaste surface que
des lignes qui échappaient à la vue au milieu de beaucoup d’ouvrages remarquables. Elle
paraissait vide, mais par cela même, elle attirait le regard et devint plus célèbre que tout
autre morceau. »
Le récit de Pline (Histoire naturelle, Livre XXXV, 81) établit l’archétype de
plusieurs principes esthétiques dont on constate la constance dans l’histoire de l’art : la
suprématie de l’absence, l’Aufhebung (dépassement) qui certifie la virtuosité, l’évidence
réciproque qui règne entre des créateurs de formes découvrant leurs oeuvres respectives et
se reconnaissant sans avoir besoin de se connaître. C’est pourquoi les observations d’un
artiste sur les initiatives d’un pair contemporain constituent l’une des sources les plus
vives pour l’histoire des idées. Pensons à Stendhal alimentant son ”romantisme furieux” à
la lumière de ses lectures et rencontres avec Byron, à Inuhiko Yomota se levant tôt le
matin pour écrire parce que Lawrence Durrell un jour lui a demandé, ”combien d’aubes
as-tu vu dans ta vie ?”, aux textes de Jordan Belson sur son ami Harry Smith, à la lettre
de Jean-Luc Godard, en novembre 1990, réactivant l’ancien concept de “beauté
naturelle” pour rendre compte des effets de transparence contemplative produits par les
films de Philippe Garrel…
Les présentations ici proposées participent de ce lien si précieux, l’intelligence
formelle, le principe d’Appelle. Questions de style, enjeux de classe : parfois la
reconnaissance protège, car bien loin des ors et des privilèges, les artistes souvent
appartiennent au lumpenprolétariat (Marcel Hanoun), aux marges menaçantes (Otto
Muehl repris de justice), ou inversement, se mettent au service des êtres les plus fragiles
et menacés (Jean-Michel Alberola et les paysans japonais). Franchissant les frontières
générationnelles, géographiques et disciplinaires, le cinéaste américain Richard Kern se
voit introduit par le cinéaste argentin Gaspar Noé, le peintre et performer autrichien Otto
Muehl mis en perspective par le compositeur corse Frédéric Acquaviva, le plasticien
cinéaste Jean-Michel Alberola commenté par la plasticienne vidéaste Marylène Negro. À
quoi s’ajoutent les observations fixées sous forme audiovisuelle, les ”entrefilms”, pour
reprendre le terme si judicieusement forgé par l’auteur de Addio Lugano Bella (2000) : la
suisse-italienne Francesca Solari travaillant avec, pour et sur Marcel Hanoun, le
photographe et cinéaste Jérôme Schlomoff tressant plusieurs modalités du portrait pour
réaliser celui du peintre et cinéaste hollandais Henri Plaat, le cinéaste et vampler (“vidéosampler”)
américain James June Schneider parti sur les traces bretonnes du polonais Jean
Epstein.
Nicole Brenez.
INFO Cinémathèque française :
Henri Plaat / Jérôme Schlomoff, Marcel Hanoun / Francesca Solari : mouvement 1
Comme d’autres de Lech Kowalski, Mati Diop, Stephen Dwoskin, Catherine Corringer,
Clarisse Hahn, Abderrahmane Sissako, Taysir Batniji, Christelle Lheureux, João Nisa,
Jérémy Gravayat, Emmanuelle Demoris, Philippe Parreno, Yervant Giniakian & Angela
Ricci Lucchi etc, les films de Jérôme Schlomoff, Francesca Solari, Marcel Hanoun et
James June Schneider ont été soutenus par la Commission Image/Mouvement du CNAP
au cours de l’exercice 2009-2011. Parallèlement, Image/Mouvement sera fêté par Jacky
Evrard au Ciné 104 à Pantin.