PHOTOJOURNAL (sans photo autre que les mots)
261106
Faites en vous-même l’expérience de l’homme invisible.
J’avance droit au milieu de la foule. De préférence je prends une rue où il y a beaucoup de monde. Je fixe mon regard loin devant. Je me force à regarder, en amont, des pieds à la tête chaque personne que je croise. Je garde même pour chacun un d’eux un détail (le plus souvent insignifiant) en mémoire tout en contrôlant le regard de l’ensemble de cette foule que je transperce d’un pas agile. Je passe en mode :« vision périphérique ». Ça devient excitant. Parce que je peux voir, en même temps, tous les visages que mon champ de vision englobe à présent. Au fur et à mesure, que je remonte ce flot de regard anonyme, j’ai la sensation de devenir invisible. C’est incroyable. Dans cet effort à croiser un regard éventuel, je ne croise que des têtes baissées, des regards ailleurs, ou dans de bien trop lointaines discussions (avec eux-mêmes ou à 2, à 3…). Je ne croise aucun regard qui pourrait dire qu’il m’a vu. Le pas devient agile car il faut même savoir esquiver d’un pas rapide sur le côté tellement on n’a pas été vu. Les corps se frôlent, et toujours aucun regard ne trahit ma présence au monde. L’impression d’être invisible. Et pourtant je suis grand dans une foule, je ne dois pas passer inaperçu. Et je continu. J’avance. Et je continu, j’observe tous ces visages du coin de l’œil, comme un scanner aucun ne m’échappe, je balayai tout du regard et rien ne me parle. Je pourrai aussi ne pas être là, ça n’y changerait rien à leur déambulation à eux.
Mais que regardent-ils ?
Commentaires
J'ai vérifié mon agenda... Ton texte m'a fait pensé à cette fin d'après-midi du 27. Tu t'étais arrêté devant le distributeur d'une banque. J'étais derrière toi et j'aurai pu ne pas te voir, mais tu as tourné ta tête juste un quart, quelques secondes. Secondes où je t'ai reconnu. Certains regardent à l'extérieur, mais j'avoue qu'un instant après j'étais à nouveau dans mes pensées, je voyais sans voir.......................... Je rate sûrement pas mal de choses, mais par moment j'ai besoin de faire l'aveugle, sinon... je perds mon chemin.