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PHOTOJOURNAL (sans photo autre que les mots)

241106

J’y suis résolu. Cela fait déjà six mois que nous sommes installés dans notre maison à Amsterdam, et toujours pas de laboratoire dans « la vitrine » de la maison (j’y reviendrai). C’est comme si j’étais borgne, comme si je voyais très bien d’un œil ce que je veux photographier, mais impossible de voir avec l’autre œil le résultat de mes pulsions scopiques sans passer par le laboratoire, développement & tirage argentique, sans y mettre les pattes. Je suis comme séparer de l’acte photographique, hors mi quelques bobines 120 que je charge de temps en temps dans mon Rolleiflex pour accompagner une balade improvisée dans la ville, ou simplement capturer une ombre furtive dans la maison... Ces bobines s’accumulent dans le premier tiroir de mon meuble de dentiste où j’archive alphabétiquement les négatifs de mes séances de portrait. Je ne note même plus ce que c’est, c’est tout pareil dans le D-76* : temps de base à 20° plus une minute, sauf la T-MAX 400 quand je la pousse à 1600 iso, là je note pour séparer au développement, c’est plus long. Et puis j’aime bien ne pas savoir ce que je développe jusqu’au moment où je déroule le film de sa spire en acier inoxidé, et de me souvenir alors du sujet photographié que je découvre enfin. J’aime la montée d’impatience qui s’empare de moi à ce moment, impatient de voir la suite et que la spire 6X6 suivante que je sors du rinçage me révèle une autre séance et elles sont toutes mélangées les bobines. Le pire c’est quand il faut attendre le développement d’une autre fournée pour connaître enfin la suite de l’histoire photographiée. Ces moments sont privilégiés et très intimes, alors on raconte pas tous les jours.

J’y suis résolu. Non pas de ne pas avoir de laboratoire pour voir sur papier baryté au gélatino bromure d’argent le résultat de mon regard. Ça, j’en fais mon affaire et puis j’ai assez à faire avec la réalisation du film sténopé sur Amsterdam (et de me trouver du boulot) pour ne pas trop penser à la photographie. En revanche, cet éloignement du Roleiflex me laisse entrevoir la vision du « nouveau monde » qui m’entoure, et comment je souhaite l’aborder du regard. Ce temps de la frustration devient le temps de l’élaboration d’un désir de regard.

J’y suis résolu. Ce temps du regard doit passer par l’écriture puisque le temps de l’image argentique est en suspend. Et puis il y a la pression de l’ami Bon qui, à presque chaque mail, me demande quand est-ce que j’alimente mon blog de mes impressions hollandaises…

J’y suis résolu. Et je me dis qu’ici, lentement un peu chaque jour, je peux enregistrer avec les mots ce que je vois comme photographie de la ville, de ma rue, de ma maison (puisque j’ai décidé de faire de ma maison un travail photographique en permanence, mais j’y reviendrai aussi…).

J’y suis résolu. Je m’y mets dès demain, aujourd’hui est mon dernier jour de vacance de l’œil…

j’y suis résolu et je ne peux m’en défaire et pour ne pas antidaté l’histoire qui suit (car ça c’est passé avant hier et je ne pourrai pas la raconté demain). Je revois les jambes en coton blanc du peintre en bâtiment dans la vitrine rouge, celle de gauche, qui chorégraphient une drôle de danse d’où je l’appréhende de mon bureau au deuxième étage. C’est étrange, il est tôt le matin et déjà ce peintre qui occupe à lui tout seul l’espace de cette cabine où les femmes attendent les hommes jour et nuit. Tout est vide. Plus un seul élément de décors. Et ce blanc partout, fortement éclairé par les lumières blanches qu’il a amené, lui, le peintre dont je ne vois que le pas chassé croisé qui accompagne le mouvement de la main qui pilote le rouleau. C’est net et propre. La porte reste ouverte pour aérer et que ça sèche plus vite. Il est tôt le matin environ 8H00 et lui le peintre, il a presque fini de repeindre tout en blanc, il replie la bâche au sol, nettoie son matériel et s’en va à d’autres chantiers dans la ville…

Quelques heures seulement après, en revenant de déjeuner, c’est de nouveau occupé par une fille dans la vitrine rouge, celle de gauche. J’imagine l’odeur de la peinture en plus à midi. Non je n’imagine rien, je suis bien trop amusé à penser à tout ce blanc fraîchement étalé à peine sec et déjà barbouiller de rouge par les néons. Il aurait bien pu peindre de suite en rouge le peintre en bâtiment ?

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